dimanche 30 décembre 2012

Tu me traites de larve?!

Comme vous le savez (ou pas), je rédige dans ce blaugue une reubrikke sur les insectes. Aujourd'hui, je vous invite à casser, démembrer, démantibuler, faire sauter, dépecer, plumer, rosser, enguirlander, supprimer, annihiler, étrangler, tuer, découper, tabasser, taper, décrédibiliser, édenter, désarticuler, fouler, mater, faire exploser, buldozeriser, jouplichabadabadapim-pam-poumer une idée reçue.

    En bon français de France made in France estampillé français de France, lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il est une larve, on suggère que c'est un gros mou qui passe sa journée à répandre mollement sa dégaine sur son canapé, tout bon français made in France qu'il soit. Cette expression tente de comparer ledit gros mou à une larve d'insecte, qui de par son aspect mou, suggère la paresse. Là où ça ne va pas, c'est que les larves d'insectes sont très loin, pour la plupart, d'être des grosses molles, au contraire.
Une chenille verte dans ses draps de soie

    Tout d'abord, il est nécessaire d'admettre que tous les insectes confondus passent par deux stades durant leur vie; l'état larvaire, et l'état d'imago, le second étant consacré à la reproduction, et le premier à l'alimentation. La chenille du papillon est une larve. Avant d'être mouche, la mouche est asticot. Avant d'être hanneton, le hanneton est ver blanc, ça n'aura échappé à personne.*
Une larve de moustique, que c'est mignon
    Là où je trouve que cette expression est pour le moins idiote, c'est que précisément, les larves ne sont pas des grosses molles. Si vous êtes déjà tombé sur une belle grosse chenille, vous savez qu'elle passe son temps à s'empiffrer, pour accumuler l'énergie nécessaire (et il en faut) pour sa nymphose. Imaginez; elle passe en quelques semaines d'à peine quelques millimètres à presque huit centimètres, pour une chenille de machaon ou de flambé, par exemple. Vous avez déjà connu une telle poussée de croissance?! Sa vie est parsemée de mille dangers, et à chaque coin de rue, de perfides mésanges les attendent pour les donner en pâture à leurs rejetons informes; inutile de dire que peu survivent, sans compter les guêpes parasitoïdes qui vont pondre leurs œufs dans leurs tissus les plus intimes. Quand on sait ça, on peut traiter Indiana Djaunzes de grosse larve sans l'insulter.
    J'admettrai tout de même que les larves de punaises (des hémimétaboles**) sont guère plus actives que les adultes; elles passent la journée hagardes sur une feuille d'hortensia à vous regarder. De temps en temps, elles picorent la feuille distraitement, avec leur rostre. Cependant, je trouve que le terme "larve" n'est pas très adapté à ce métabolisme, parce que ce terme renvoie trop à un ver. Je préfère parler de "jeune". Donc, la prochaine fois que Jean-Roger reste affalé toute la journée sur son canapé, à contempler la télé d'un air hagard et à picorer distraitement dans un paquet de chips, avec son rostre, ne le traitez pas de grosse larve, mais de jeune punaise, c'est tellement plus correct.

Fa.

*Et comme le papillon, la mouche passe par un état de "chrysalide" qu'on appelle chez elle "pupe", de même pour le hanneton qui se fait d'abord nymphe. C'est là le développement de tous les insectes holométaboles, qui passent de l'état larvaire à l'état adulte par un stade végétatif. Les autres sont hémimétaboles**; ils passent de l'état larvaire à l'état adulte par une mue, tout simplement.
**J'utilise les derniers termes en vigueur, même Word 2012 ne les connait pas. Pour information, on disait "hétérométabole" il y a peu. 

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