mardi 29 janvier 2013

Triste fabuliste

Si j'avais du talent, j'aurai fait de ma personne un triste fabuliste. Comme l'un n'empêche pas l'autre, et que quand on touche le fond, on creuse, je vais vous déclamer un apologue de moi-même.
Grmm grmm (raclements de gorge)
 Fiyyuuuuuiuu (le micro siffle; vous avez encore le droit de sortir de la salle)


La Blatte au service du Cafard-taureau

Il y avait une fois, ou d'autres fois, une blatte boiteuse, boitillante et tout ce qu'il y a de plus boîte. Elle était l'esclave docile, parmi un millier d'autres blattes, d'un fier Cafard-taureau, une énorme créature de près de cinq centimètres de large et autant de long, dévorée de l'intérieur par un ver solitaire qui s'appelait monsieur Global, ou quelque chose du genre. Ce monsieur Global avait pour principale distraction le jeu du bingo, où il y'a surtout du hasard, mais il paraît que pour gagner, il faut aussi être intelligent.
Un jour que monsieur Global était d'humeur massacrante, et qu'il lui fallait du sang, il ordonna, tout parasite qu'il était, à son Cafard-taureau-hôte de frapper à mort l'esclave boiteux, à savoir la Blatte. Le cafard, exténué par son parasite, répondit à l'ordre du ver en s'effondrant raide mort sur le carrelage; le ver avait tant grossi en lui qu'il l'avait progressivement assassiné. L'instant d'après, alors que la blatte en profitait pour s’échapper, la carapace du défunt Cafard-taureau éclata même sous la pression de son hôte, projetant pêle-mêle pattes, antennes et organes sur tous les murs de la maison. Le ver solitaire se répandit mollement sur le sol, incapable de se déplacer, vociférant et crachant contre son esclave en fuite.
Dans sa fuite, la blatte, dont la tête était toute tournée vers le sol comme celle de toutes les blattes, rencontra une majestueuse mante religieuse, verte, ailée, plus grande que ne l'était le Cafard-taureau, qui dans l'esprit de la blatte était, avant cette rencontre, la plus belle créature qui fut. La tête de la mante, majestueuse, mobile, aux yeux immenses, et tournée vers le ciel, impressionna fortement la petite blatte, toute boiteuse qu'elle était. Ravie d'avoir trouvée une disciple, la fière mante commença à enseigner son savoir à la blatte, pour qu'elle aussi puisse voir le ciel. C'était sans compter sur Monsieur Global, qui dans un effort suprême, projeta sur eux un jet d'insecticide avant de succomber à la douleur en vomissant.
Les cadavres des trois êtres séchèrent lentement sur le carrelage, en cercle, avant que l'on ne passe l'aspirateur.
Moralité: y'a pas de morale. Non mais.

Bonne soirée à mes hypothétiques lecteurs. 
Fa.

mercredi 16 janvier 2013

Honorine conte les horreurs du futur


 Ce dont je veux vous parler, c'est que je me suis aperçue récemment, au cours d'intenses moments de réflexion de plusieurs minutes, que les grandes dystopies du genre que tous les fatalistes findumondistes antimondialistes de mon genre citent abondamment (j'entends 1984 et Le meilleur des mondes) sont aujourd'hui obsolètes, et pas juste un peu. Je vais donc jouer la prophète, et c'est ce pourquoi j'ai mis mon déguisement de mage indien, sur le -potentiellement- terrifiant monde qui nous attend.
  Dans ces deux romans -dont je recommande la lecture-, le côté terrifiant émane toujours de l’État, c'est eux les fous, c'est eux les méchants, et jamais de phénomènes longs et complexes, ce qui semblerait plus réaliste. Dans le meilleur des mondes, que je n'ai pas pu lire jusqu'au bout tellement il est affreux, les hommes sont produits industriellement par insémination artificielle. Dans notre humble réalité, on en est pas à l'abri (je suppose qu'à part les allumés binoclards en blouse blanche du premier rang, qui ont une confiance absolue en la science, tout le monde est d'accord pour trouver ça monstrueux). Seulement voilà: la vraie dérive dangereuse que je vois poindre aujourd'hui, c'est non pas que ce soit l’État qui s'en charge, comme dans le roman, mais des laboratoires privés qui naturellement, monnayeront (cher) ce "service". Si dans le roman, c'est seulement dévolu à maintenir la population de manière organisée, dans la réalité, ça pourrait devenir une mode, une année ce sera les yeux bleus avec des branchies apparentes et les cheveux mauves, une autre des yeux énormes dignes d'un manga et pas de bras, c'est tellement plus mignon. J'exagère, mais il se pourrait bien que cette chose merveilleuse et gratuite -avoir des enfants- devienne monstrueuse et payante. En plus, pour que ça ne s'arrête pas, les laboratoires feront bien en sorte de concevoir des êtres stériles... Pour continuer à en vendre, et à se faire plein d'argent. Imaginez: trois naissances par minute en France, si un bébé coûte 1500 euros, 5000 avec l'option "surdoué", ils vont s'en faire, de l'argent. Ce serait pour un futur lointain, au moins un siècle, vous serez tous morts et moi aussi. On dit "y'a la morale". Oui, d'accord, la morale et l'éthique l'interdisent, mais la société évolue. Il y a un siècle, il était impensable qu'une femme ait des enfants hors mariage. Aujourd'hui, ça se fait, et ça c'est un progrès. Méfiez-vous.
Jeu: dans ma bibliothèque, où se cache la (les) dystopie(s)?  


  Ensuite, vous me dites si je vous barbe, dans 84', tout émane toujours de l’État; je ne dis pas, à l'époque on sortait de dictatures horribles, le livre date de 1948. Cependant, il serait juste de relativiser; à l'époque, on craignait les États, et il était juste de s'en méfier, quand on voit où ça a mené. Aujourd'hui, il faut toujours s'en méfier, je vous y encourage, mais je dirai que l'essentiel du danger ne vient pas de là; il suffit de regarder d'où vient la quasi-totalité de la propagande mondiale. Pas des États, non, même si ils en font tous, mais d'organismes privés. Cela s'appelle la publicité. Le vrai risque serait donc une ultra-privatisation; plus on privatise, moins l’État, qui a de bons côtés, contrôle ce qu'on fait à la population. Imaginez un monde où l'Armée serait privée, toutes les écoles seraient privées, les hôpitaux tous privés: c'est bien simple, on y fait ce qu'on veut. Publicité, lavage de cerveau, greffage de jambes supplémentaires... Il serait bon qu'aujourd'hui les pays se mettent à nouveau à beaucoup réglementer, que ce soit l'économie ou les douanes.
Je suis très sérieuse: les entreprises multinationales (comme Monsanto, pour ne pas les citer) n'ont aucune morale, elles courent après le fric, c'est tout. Leurs seules limites sont les réglementations; si ce n'était pas interdit de mettre des résidus de mercure au plutonium dans le dentifrice, ils en mettraient, je vous jure. Méfiez-vous.
Je ferai un volume deux des horreurs du futur quand j'aurai le temps; en attendant, bonne nuit les petits, emportez-donc les restes de madeleines, et de pieds de porc panés. 
Votre vieille Honorine, et sa blatte de compagnie,
Fa.